Scacco matto per un qualsiasi Processo di Pace

da | 24/10/2023 | CONCETTI E PERCEZIONI | 2 commenti

Rehaf Al-Batniji, Gaza, 2018-2021

Avevo letto l’articolo a suo tempo, l’avevo messo da parte perchĂ© spiegava in maniera chiara e limpida una di quelle situazioni in cui il chiaro ed il limpido sono a miliardi di chilometri.
Ve lo propongo oggi, sebbene sia stao redatto nel settembre del 2022, solo un anno fa


Palestine, de la colonisation à l’apartheid


| Alain Gresh | septembre 2022 | LE MONDE DIPLOMATIQUE |


PrĂšs de trente ans aprĂšs les accords d’Oslo, la solution Ă  deux États n’a plus guĂšre de chances de se concrĂ©tiser. Tandis que la bande de Gaza subit un implacable blocus, les difficultĂ©s des habitants de la Cisjordanie, soumis Ă  des mesures sĂ©grĂ©gatives, ne cessent de s’aggraver. Si la direction politique palestinienne est en plein dĂ©sarroi, la population, elle, ne plie pas.

JĂ©rusalem, [M. Joseph] Biden signe le certificat de dĂ©cĂšs des Palestiniens (1). » Sous ce titre, le journaliste israĂ©lien Gideon Levy tirait le principal enseignement de la visite du prĂ©sident amĂ©ricain au Proche-Orient en juillet 2022. Celui-ci, du bout des lĂšvres, avait soutenu la solution Ă  deux États, mais « pas Ă  court terme », prĂ©cisait-il. Que se passera-t-il Ă  ce moment-là ? « Les IsraĂ©liens le dĂ©cideront-ils seuls ? Les colons retourneront-ils chez eux volontairement ? Quand leur nombre aura atteint un million au lieu de 700 000, seront-ils satisfaits ? » C’est une page qui se tourne, poursuivait l’éditorialiste de Haaretz,celle oĂč les Palestiniens ont jouĂ© la carte de la modĂ©ration et de l’Occident. DĂ©sormais, avec les nouvelles lois contre le mouvement Boycott, dĂ©sinvestissement et sanctions (BDS), et les dĂ©finitions dĂ©formĂ©es de l’antisionisme qui tendent Ă  l’assimiler Ă  l’antisĂ©mitisme, les États-Unis et l’Europe sont perdus pour les Palestiniens, dont « le sort risque de ressembler Ă  celui des peuples indigĂšnes des États-Unis ».

Les Palestiniens seront-ils rĂ©duits Ă  s’entasser dans des rĂ©serves de « Peaux-Rouges » et Ă  danser le dabkeh pour quelques touristes en mal d’exotisme ? Jamais, depuis la guerre israĂ©lo-arabe de juin 1967, leur situation politique, diplomatique et sociale n’a semblĂ© aussi dĂ©sespĂ©rĂ©e. Les Palestiniens avaient dĂ©jĂ  connu une traversĂ©e du dĂ©sert aprĂšs la crĂ©ation d’IsraĂ«l en 1948, la liquidation de leurs directions politiques, l’expulsion de plusieurs centaines de milliers d’entre eux dispersĂ©s Ă  travers les camps de rĂ©fugiĂ©s.
Mais en 1967-1969, les organisations de fedayins avaient crĂ©Ă© la surprise et occupĂ© le vide laissĂ© par la dĂ©faite des pays arabes ; une nouvelle gĂ©nĂ©ration prenait les armes et proclamait que la libĂ©ration serait l’Ɠuvre des Palestiniens eux-mĂȘmes. La renaissance de l’Organisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP) avait signĂ© le retour politique d’un peuple qu’IsraĂ«l s’était promis d’effacer et avait permis Ă  la Palestine de retrouver sa place sur la carte gĂ©opolitique. En quelques annĂ©es, l’OLP s’implantait dans les camps de l’exil, notamment en Jordanie et au Liban, et dans les territoires palestiniens occupĂ©s de Cisjordanie, de Gaza et de JĂ©rusalem-Est. Peu Ă  peu, elle sera reconnue comme le « seul reprĂ©sentant du peuple palestinien », ce que confirmera l’intervention de Yasser Arafat devant l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies en 1974.

Ni les dĂ©tournements d’avions apparus Ă  la fin des annĂ©es 1960, ni l’assassinat d’athlĂštes israĂ©liens lors des Jeux olympiques de Munich (1972), ni les attentats contre des civils en IsraĂ«l ne freinĂšrent cette ascension. Comme le reconnaissait JĂ©rĂŽme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, crĂ©Ă©es pendant l’occupation de la France, farouche dĂ©fenseur de l’indĂ©pendance algĂ©rienne :
« Pourquoi observeraient-ils [les Palestiniens] les rĂšgles du jeu de la guerre moderne, Ă©dictĂ©es Ă  leur propre avantage par les nations installĂ©es (2) ? » On commençait Ă  comprendre, mĂȘme en Europe, mĂȘme au niveau officiel, que « terrorisme » n’était pas une maladie mais le symptĂŽme d’un blocage politique. En 1975, le prĂ©sident de la RĂ©publique française ValĂ©ry Giscard d’Estaing acceptait l’ouverture d’un bureau de l’OLP Ă  Paris.

L’idĂ©e que la libĂ©ration est au bout du fusil s’estompa cependant peu Ă  peu. ExpulsĂ©e de Jordanie en 1970-1971, l’OLP le fut Ă  nouveau du Liban en 1982. Si le siĂšge de Beyrouth Ă  l’étĂ© 1982 fit basculer une partie des opinions europĂ©ennes en faveur des Palestiniens — elles vĂ©curent en direct les bombardements aveugles de la capitale libanaise par les canons, les avions et les chars du gĂ©nĂ©ral israĂ©lien Ariel Sharon, sans parler des massacres de Sabra et Chatila (16 au 18 septembre 1982) —, il marqua un coup fatal Ă  l’option militaire. D’autant que les rĂ©gimes arabes avaient renoncĂ© Ă  affronter IsraĂ«l et que le plus puissant d’entre eux — l’Égypte — signa mĂȘme avec lui une paix sĂ©parĂ©e en 1979. Les opĂ©rations armĂ©es ponctuelles perdaient d’autant plus de leur efficacitĂ© que les combattants de l’OLP Ă©taient dispersĂ©s loin des frontiĂšres de la Palestine, entre la Tunisie et le YĂ©men. Mais l’OLP disposait de deux cartes : le soutien de son peuple qu’allait confirmer la premiĂšre Intifada (1987-1993) et la prise de conscience internationale, notamment europĂ©enne, qu’aucune paix sans elle n’était possible, ce qu’avait affirmĂ© la dĂ©claration de Venise de la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne en juin 1980, qui reconnaissait le droit des Palestiniens Ă  l’autodĂ©termination et la nĂ©cessitĂ© d’associer l’OLP Ă  toute nĂ©gociation au Proche-Orient.

La fin de la guerre froide et l’effondrement du « camp socialiste », l’optimisme crĂ©Ă© par le rĂšglement de diffĂ©rents conflits — de l’Afrique australe Ă  l’AmĂ©rique centrale —, la fatigue de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne aprĂšs des annĂ©es d’Intifada, l’exaspĂ©ration des opinions occidentales face Ă  la rĂ©pression des Palestiniens allaient aboutir aux accords d’Oslo du 13 septembre 1993 signĂ©s par Arafat et le premier ministre israĂ©lien Itzhak Rabin, sous l’égide du prĂ©sident amĂ©ricain William Clinton. On pourrait rĂ©sumer ainsi leur philosophie : une autonomie palestinienne devant dĂ©boucher au bout d’une pĂ©riode transitoire de cinq ans sur la crĂ©ation d’un État palestinien. Abandonnant l’idĂ©e d’un État dĂ©mocratique sur tout le territoire historique de la Palestine, oĂč coexisteraient musulmans, juifs et chrĂ©tiens (3), l’OLP s’était ralliĂ©e, poussĂ©e par les Occidentaux, faut-il le rappeler, au projet de deux États vivant cĂŽte Ă  cĂŽte.

Aucune « offre généreuse » israélienne lors des négociations de Camp David

Mais les accords d’Oslo n’étaient pas un contrat entre deux partenaires Ă©gaux en droits, ils reprĂ©sentaient un arrangement imposĂ© par un occupant Ă  un occupĂ©, dans un rapport de forces trĂšs dĂ©favorable au second. Les textes Ă©taient flous, ambigus, favorables Ă  IsraĂ«l — par exemple, ils ne prĂ©voyaient aucun arrĂȘt de la colonisation de terres qui devaient pourtant ĂȘtre rendues aux Palestiniens (4). Pourraient-ils, malgrĂ© tout, dĂ©clencher une dynamique de paix ?

Non, car l’occupant imposa, Ă  chaque Ă©tape, son seul point de vue avec l’appui des États-Unis et la complaisance de l’Union europĂ©enne. Seule une faible proportion des obligations inscrites dans les textes furent appliquĂ©es : tous les prisonniers politiques palestiniens ne furent pas libĂ©rĂ©s, le port de Gaza ne fut pas construit, le « passage sĂ»r » entre la Cisjordanie et Gaza fut entrouvert avec cinq ans de retard. Le premier ministre israĂ©lien Rabin proclamait qu’« aucune date n’est sacrĂ©e », la colonisation continua de plus belle. Tel-Aviv imposa un dĂ©coupage kafkaĂŻen de la Cisjordanie. Les dĂ©lais accumulĂ©s useront la patience des Palestiniens et renforceront le Hamas, qui dĂ©nonçait la voie de la nĂ©gociation choisie par Arafat… « La paix », qui aurait dĂ» dĂ©boucher sur l’indĂ©pendance et la prospĂ©ritĂ©, vĂ©hiculait avant tout vexations et privations.

Quand, en juillet 2000, s’ouvrit le sommet de Camp David entre le premier ministre israĂ©lien Ehoud Barak, Arafat et le prĂ©sident Clinton, afin de rĂ©soudre les problĂšmes en suspens (frontiĂšre, rĂ©fugiĂ©s, avenir des colonies, JĂ©rusalem), l’AutoritĂ© palestinienne ne contrĂŽlait que des confettis Ă©parpillĂ©s sur 40 % de la Cisjordanie. On sait, par les diffĂ©rents tĂ©moignages des protagonistes, qu’il n’y eut aucune « offre gĂ©nĂ©reuse » israĂ©lienne durant ces nĂ©gociations. Tel-Aviv voulait annexer au moins 10 % de la Cisjordanie et maintenir sa mainmise sur JĂ©rusalem, garder le contrĂŽle des frontiĂšres, sauvegarder l’essentiel de ses colonies (5).
L’échec Ă©tait inĂ©vitable, mais M. Barak prĂ©tendit qu’Arafat en Ă©tait responsable. Une seconde Intifada, inĂ©vitable, Ă©clata en septembre 2000, avec son lot de morts, de bombardements et d’attentats. Entre- temps, M. Barak avait rĂ©ussi Ă  convaincre l’opinion israĂ©lienne qu’il n’y avait plus d’interlocuteur pour la paix, qu’il avait dĂ©voilĂ© « le vrai visage d’Arafat » ; ce n’est pas pour rien que le vieux militant israĂ©lien de la paix Uri Avnery le qualifia de « criminel de paix ».

MĂȘme ceux qui n’attribuaient pas l’échec du « processus de paix » au seul Arafat avaient trouvĂ© un coupable idĂ©al : les « extrĂ©mistes des deux bords ». Mais c’est occulter le facteur dĂ©cisif, le refus israĂ©lien, gouvernement comme opinion publique, de reconnaĂźtre l’Autre, le Palestinien, comme un Ă©gal. Le droit des Palestiniens Ă  la dignitĂ©, Ă  la libertĂ©, Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  l’indĂ©pendance a Ă©tĂ© systĂ©matiquement subordonnĂ© Ă  celui des IsraĂ©liens. Cette mentalitĂ© coloniale remonte Ă  l’origine du mouvement sioniste, ce que nombre d’Occidentaux refusent d’admettre, les polĂ©miques nĂ©es au sujet de l’existence d’un apartheid en IsraĂ«l en tĂ©moignent.

Le 19 juillet 2018, le Parlement israĂ©lien vote une nouvelle loi fondamentale, intitulĂ©e « IsraĂ«l en tant qu’État-nation du peuple juif », dont l’article 1 prĂ©cise : « L’exercice du droit Ă  l’autodĂ©termination nationale dans l’État d’IsraĂ«l est rĂ©servĂ© au peuple juif », un droit refusĂ© donc aux Palestiniens ; un autre article stipule que « l’État considĂšre le dĂ©veloppement de la colonisation juive comme un objectif national et agira en vue d’encourager et de promouvoir ses initiatives et son renforcement » — ce qui signifie le droit de confisquer des terres, appartenant Ă  des Palestiniens, qu’ils soient de Cisjordanie, de JĂ©rusalem ou citoyens d’IsraĂ«l. Ce texte entĂ©rine une situation d’apartheid que la Cour pĂ©nale internationale dĂ©finit comme « un rĂ©gime institutionnalisĂ© d’oppression systĂ©matique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ». En 2021, l’organisation israĂ©lienne B’Tselem concluait Ă  l’existence d’« un rĂ©gime de suprĂ©matie juive entre le fleuve Jourdain et la MĂ©diterranĂ©e ». Elle sera suivie par deux grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales, Human Rights Watch et Amnesty International. CĂ©lĂ©brĂ©es en Occident quand elles dĂ©noncent la Chine, le Venezuela ou la Russie, elles ont Ă©tĂ© vilipendĂ©es et accusĂ©es d’antisĂ©mitisme.

Au-delĂ  des condamnations qui, en France, reflĂštent la dĂ©rive d’une grande partie de la classe politique en faveur d’IsraĂ«l depuis les annĂ©es 2000, pourquoi des gens bien intentionnĂ©s, sincĂšres, parfois hostiles Ă  l’occupation, ont du mal Ă  accepter ce qui pourtant a Ă©tĂ© confirmĂ© par une loi en IsraĂ«l ? Mettant en avant les diffĂ©rences, rĂ©elles, entre l’Afrique du Sud et IsraĂ«l, ils cherchent Ă  « sauver » une certaine image d’IsraĂ«l, sorte de « miracle », qui aurait permis le « droit au retour » des Juifs exilĂ©s depuis la destruction du Temple par les Romains.

Or l’histoire rĂ©elle, concrĂšte, quotidienne du mouvement sioniste politique depuis sa crĂ©ation Ă  la fin du XIXe siĂšcle, en tenant compte des divergences profondes qui le traversaient, se confond avec le mouvement de conquĂȘte du monde par l’Occident, il en porte les stigmates. Au moment mĂȘme oĂč Ă©clatait la guerre de 1967, l’orientaliste français Maxime Rodinson, lui-mĂȘme de confession juive, Ă©crivait en conclusion d’un article intitulĂ© « IsraĂ«l, fait colonial ? », publiĂ© dans la revue Les Temps modernes : « Je crois avoir dĂ©montrĂ© que la formation de l’État d’IsraĂ«l sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un long processus qui s’insĂšre parfaitement dans le grand mouvement d’expansion europĂ©o-amĂ©ricain des XIXe et XXe siĂšcles pour peupler et dominer Ă©conomiquement et politiquement les autres peuples. » À l’époque d’ailleurs, le fondateur du sionisme politique Theodor Herzl le revendiquait ouvertement, par exemple dans une lettre Ă  Cecil Rhodes, l’un des conquĂ©rants britanniques de l’Afrique australe : « Mon programme est un programme colonial. »

Ce caractĂšre colonial du mouvement sioniste a signifiĂ©, dĂšs l’origine, une politique de « sĂ©paration », d’apartheid avant la lettre, entre les colons et les autochtones. Comme en AmĂ©rique du Nord, en Australie, en Afrique australe ou en AlgĂ©rie, le colonialisme de peuplement a toujours considĂ©rĂ© les habitants originels comme des occupants illĂ©gitimes, que l’on peut expulser, voire massacrer en toute bonne conscience, au nom de Dieu ou de la « civilisation ».

Quant au lien entre le « peuple juif » et la Terre sainte, qui ferait du colonialisme sioniste « un cas Ă  part », Rodinson ironisait : « Je ne parlerai que pour mĂ©moire des droits historiques sur la terre de Palestine qui seraient dĂ©volus Ă  tous les Juifs, ne faisant pas Ă  mes lecteurs l’affront de les croire sĂ©duits par cet argument. » Comme le dĂ©clare joliment le chercheur israĂ©lien Ilan PappĂ© : « La plupart des sionistes ne croient pas en Dieu (6), mais ils croient qu’Il leur a donnĂ© la Palestine. » Ce que pensent nombre d’Occidentaux, mĂȘme antireligieux. Pourtant quel tribunal pourrait admettre la Bible comme titre de propriĂ©tĂ© ?

Plus de proximitĂ©s que de diffĂ©rences existent entre les divers « colonialismes de peuplement ». Comme l’a dĂ©montrĂ© la chercheuse Amy Kaplan, une partie de la sympathie amĂ©ricaine pour IsraĂ«l tient Ă  la similitude entre la conquĂȘte du Far West et la colonisation juive, entre le colon sioniste armĂ© et le valeureux cow-boy (7). Plus significative encore est l’alliance tissĂ©e entre IsraĂ«l et l’Afrique du Sud dirigĂ©e entre 1948 et 1994 par le Parti national, une formation qui porte Ă  son paroxysme la sĂ©grĂ©gation raciale et met en Ɠuvre la politique de « dĂ©veloppement sĂ©paré » (apartheid). Les dirigeants du Parti national, nourris d’antisĂ©mitisme et de sympathies pour l’Allemagne nazie, vont, des dĂ©cennies durant, collaborer avec IsraĂ«l, qui les aidera, entre autres, Ă  acquĂ©rir la technologie militaire nuclĂ©aire. Le secret de ce mariage contre-nature est dĂ©voilĂ© par l’universitaire israĂ©lien Benjamin Beit-Hallahmi : « On peut dĂ©tester les juifs et aimer les IsraĂ©liens, parce que, quelque part, les IsraĂ©liens ne sont pas juifs. Les IsraĂ©liens sont des colons et des combattants, comme les Afrikaners. Ils sont durs et rĂ©sistants. Ils savent comment dominer (8).  » Une explication qui vaut pour le ralliement Ă  IsraĂ«l de la majoritĂ© des mouvements d’extrĂȘme droite Ă  travers le monde. Si elle reste antisĂ©mite, elle considĂšre les IsraĂ©liens avant tout comme des « colons blancs » qu’il faut soutenir face Ă  la « menace islamique ». C’est Herzl qui prĂȘchait pour un IsraĂ«l avant-poste de la civilisation contre les barbares, un rĂŽle renouvelĂ© Ă  l’heure de la « guerre contre le terrorisme ».

Solide expérience politique et conscience nationale inébranlable

La page ouverte par la guerre de 1967 est tournĂ©e. Les directions palestiniennes ont perdu toute vision stratĂ©gique et beaucoup de leur lĂ©gitimitĂ©. Les pays arabes — c’est moins vrai pour les opinions — se dĂ©tournent de la Palestine. L’Occident mobilisĂ© Ă  la fois contre le « terrorisme islamique » et contre la Russie et la Chine voit dans le drame palestinien au mieux une distraction, au pire un front de la guerre au terrorisme justifiant le « droit d’IsraĂ«l Ă  se dĂ©fendre », mĂȘme quand il dĂ©clenche les hostilitĂ©s, comme Ă  Gaza en aoĂ»t 2022. L’Union europĂ©enne laisse, sans rĂ©agir par la moindre sanction, se poursuivre la colonisation, qui ensevelit la solution Ă  deux États qu’elle prĂ©tend dĂ©fendre.

Il serait vain de contester la gravitĂ© des dĂ©fis auxquels font face les Palestiniens. Ils disposent pourtant d’importants atouts, en plus du soutien du mouvement de solidaritĂ© mondial le plus large depuis les luttes de libĂ©ration du Vietnam et de l’Afrique du Sud. MalgrĂ© toutes les tentatives de les repousser hors de leur territoire, ils reprĂ©sentent la moitiĂ© de la population de la Palestine historique et sont dotĂ©s d’une expĂ©rience politique, d’une dĂ©termination forgĂ©es dans l’exil ou sous l’occupation et d’une conscience nationale inĂ©branlable qu’a confirmĂ©e leur soulĂšvement en mai 2021, de JĂ©rusalem Ă  Gaza, de HaĂŻfa Ă  JĂ©nine Ă  travers toute la Palestine historique. TĂȘtus, obstinĂ©s, rĂ©sistants, ils refusent de capituler. Si le but de la guerre est, comme l’écrivait Carl von Clausewitz (1780-1831), « de contraindre l’adversaire Ă  exĂ©cuter notre volonté », sur ce plan-lĂ  au moins, IsraĂ«l a Ă©chouĂ©.

Alain Gresh
Journaliste, directeur des journaux en ligne OrientXXI.info et AfriqueXXI.info.

(1) Haaretz, Tel-Aviv, 16 juillet 2022.
(2) PrĂ©face Ă  Jacques VergĂšs, Pour les fidayine, Éditions de Minuit, Paris, 1969.
(3) Le Fatah, La Révolution palestinienne et les Juifs, texte publié en 1970, republié en 2021, par Orient XXI et Libertalia.
(4) Cf. Israël, Palestine. Vérités sur un conflit, Fayard, Paris, 2007.
(5) Lire Amnon Kapeliouk, « Retour sur les raisons de l’échec de Camp David », Le Monde diplomatique, fĂ©vrier 2002.
(6) C’est le cas des fondateurs du mouvement, cela est moins vrai aujourd’hui avec le dĂ©veloppement du sionisme religieux.
(7) Amy Kaplan, Our American Israel. The Story of an Entangled Alliance, Harvard University Press (Cambridge), 2018.
(8) Cité dans De quoi la Palestine est-elle le nom ?, Les Liens qui libÚrent, Paris, 2010.

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